jeudi 14 février 2019

et c'est pas fini...


Depuis mon dernier message, j’ai reçu des tas de petits mots d’encouragement. Tout ça fait chaud au cœur, on se dit qu’on n’est pas seul dans ce merdier, par contre, beaucoup de gens qui ne connaissent peut-être pas ma propension à en remettre des couches, à exagérer, à jouer les « drama-queen » (dixit mon ex-psy qui manquait peut-être un peu de psychologie je pense sur ce coup là…) me proposent de nous aider financièrement. Là je panique, je fléchis, aurais-je encore mal communiqué ou trop impulsivement? Je rassure tout le monde tout de suite, on ne crève pas de misère au sens propre, c’est une misère administrative, une absence intersidérale de statut et de reconnaissance par la société des "parents d’enfants malades de longue durée". Oui on perd du fric, non on ne fera pas d’économies mais ce serait indécent de faire la quête et de mendier…
Moi j’ai des ressources, des idées, un réseau, des amis, une famille, il y a de la solidarité autour de nous. Alors, peut-être que je ne pourrais m’acheter une 25e paire de baskets cette année, un 10e chemisier, investir dans l’immobilier pour jouer au Monopoly dans la vraie vie ou voyager autour du monde mais mes gosses seront fringués correctement, on aura à bouffer dans nos assiettes et les travaux dans ma maison seront faits. Par contre, je pense aux autres, aux gens qui n’ont pas ma grande gueule pour se plaindre d’avoir reçu ses allocs en retard (et 10€ pour se faire pardonner ahahah), aux gens qui ne comprennent rien aux 352 formulaires à remplir pour l’assurance, la mutuelle, l’hôpital,  le SPF Sécurité Sociale… à celles et ceux qui sont de petits indépendants et ne sont pas payés par la Mutuelle et ne peuvent pas faire leur boulot parce qu’ils s’occupent de leur gosse, aux autres indépendants complémentaires à qui on dit gentiment « toute façon, si vous continuez à faire vos bijoux sans l’accord du médecin-conseil, vous devrez repayer bien plus que le peu que vous aurez gagné » (véridique), à celles et ceux qui ont le statut d’artiste, à celles et ceux qui sont eux-même les malades …bref, j’en passe, j’en oublie peut-être , le fait est qu’il n’existe rien de légal pour ne pas être précarisé quand votre enfant est malade pour longtemps et je ne vous parle même pas de la suite, parce que dans une leucémie, après le traitement costaud, il y a ce qu’on appelle le « traitement d’entretien », ou en gros ton gosse retourne à l’école à temps plein (dans le meilleur des cas) , prend sa chimio par voie orale à la maison et ne va plus à l’hosto qu’un jour semaine (attention, faudra avoir congé pour ça), et toi, tel le phénix qui renaît de ses cendres, tu penses clairement que tu vas du jour au lendemain pouvoir recommencer à temps plein, que tu vas retrouver tes 20 ans, ton énergie, ta pêche après ce que vous aurez vécu ? Parce que, attention, on ne parle pas de rémission avant 2 ans et de guérison avant 5 ans, donc toi, pépouze, tu crois « qu’on disait qu’on faisait comme si c’était fini », et bien non, pauvre idiot.e… parce que bien sûr, même si ça fait 17 ans que tu travailles, tu n’as pas de CDI (et en gros tu es arrivée dans l’enseignement plus tard, tu as bossé dans le privé et vu que tu as changé 2x de réseau et que tu as fait plein de remplacements, tu n’es pas nommée), donc tout ce qui existe comme « crédit-temps » et bien tu n’y as pas droit, tu peux juste prendre ton congé parental (enfin celui qui te reste) à mi-temps ou 4/5 mais tu n’auras pas de compensation de l’Onem, parce que tu as le statut d’indépendante complémentaire (mais qu’en gros tu dois attendre l’accord du médecin-conseil pour avoir le droit de vendre ton stock de bijoux/ pas de les faire) vous me suivez toujours ?
Donc en résumé, tu travailleras à mi-temps si tout va bien l’an prochain, avec le salaire que ça implique, sans compensation salariale, parce que ton enfant aura encore besoin de toi, parce qu’il ne va pas non plus récupérer du jour au lendemain…et je ne vous précise pas que ça impactera sur ma pension, et qu’on espère aussi que notre fille pourra faire un prêt pour s’acheter une baraque vu qu’elle devra écrire « cancer à 10 ans » dans son questionnaire médical de l'assurance-vie…

Alors oui, ce ne sera pas la vraie misère, celle que vivent des tas de familles et de mères célibataires ici, parfois dans la rue à côté de la tienne. Même pas besoin d’aller voir du côté du tiers-monde ou de celui des familles de migrants qui quittent parfois à pied une tout autre misère, tout ça je le sais mais en ce moment, je suis juste égocentrée, je ne regarde que mon cas, ma famille et ça me fout la HAINE parce qu’on n’a rien choisi, qu’on devrait se la couler douce et qu’on passe un jour sur deux à envoyer des mails ou expliquer 15 x la même histoire à employés administratifs (jamais les mêmes) pour obtenir des remboursements ou demander des trucs auxquels on devrait avoir droit sans y perdre tant d’énergie.

En somme, je ne deviendrai pas la Pasionaria défenderesse droits des enfants cancéreux parce que je n’ai pas envie de m’exposer et de voir ma sale gueule ridée dans un écran, parce qu’aussi ça n’intéresse pas grand monde, la hausse des salaires , l’âge de la pension c’est plus important certainement et mon énergie je vais la garder pour ceux qui ont besoin de moi mais je VEUX que les gens sachent, comprennent ce monde qui nous était encore inconnu il y a quelques mois et que ça rappelle aussi à tout le monde qu’il y a socialement de gros problèmes dans notre cher pays et encore beaucoup de combats à mener (en témoigne d’ailleurs la grève générale du 13 février, je suppose). Putain, fais chier quand même...

1 commentaire:

  1. Comme je comprends ta colère .... tout le côté administratif à côté du monde médical est usant et je sais de quoi je parle ... Tiens bon et si tu as besoin d'aide je suis là avec toute mon amitié et Affection Martine

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