mercredi 15 mai 2019

Courage, WTF?

"Courage à vous", "Vous faites preuve de courage , bravo", "Je vous envoie plein de courage","je vous souhaite beaucoup de courage", "Courage Madame", "Courage ma puce, c'est un très mauvais moment à passer"

Mais merde, de quoi courage est-il le nom ?
C’est foncer dans la drache sans parapluie? C’est courir un marathon? C’est oser quitter quelqu’un qui vous fait souffrir? C’est avaler des insectes? C’est afonner des shots de gold strike? C’est sauter en parachute/ a l’élastique ? C’est étudier toutes les nuits pour une session d’examen pour avoir une grande dis ? C’est voyager au bout du monde et manger local sans peur de se choper une tourista ? C’est participer à un concours de cuisine et ne rien lâcher? C'est mettre ses videos de chansons niaises sur Youtube et décider de se "lancer" dans la chanson?

Non , le courage c’est oser entreprendre de GRANDES choses sans craindre la souffrance et la peur, c’est réagir positivement a une situation morale difficile , c’est l’étoffe des héros, une énergie , une force d’âme et dans le cas présent, je fais preuve de tout sauf de courage parce que j’ai peur, parce quand je pleure je suis à genoux, parce que le seul rôle qu’on nous donne à jouer est d’exécuter et suivre à la lettre des recommandations. On le choppe où ce courage? Ça s'apprend? Ça se transmet? et si on était incapable ou plus capable d'en avoir...

Je marche , pour deux, pour trois, pour quatre, pour cent... je me lève je m’habille j’exécute je suis là j’accompagne je coache je motive j’écoute je console je ris je pleure je me fâche -souvent- je tombe nous tombons je me relève je la relève on me relève  je craque je crie je bois je ris j’oublie je recommence.
Alors non, ce n’est pas du courage, on ne se pose pas la question, on est des parents robots , des parents bien drillés, ça roule, tellement que parfois on oublie qu’on n’est que de parents ou juste des parents et qu’on voudrait profiter de la vie avec nos enfants. Rien de bien compliqué, un peu de soleil, changer d’air et de vue, s’asseoir et contempler le paysage , regarder les gens, ne pas être dévisagés sans se soucier de rien. 

Non ce n’est pas du courage c’est un instinct de survie , c’est animal, une maman ourse n’a pas de courage, elle gueule et protège son petit contre tout, moi je n’ai pu protéger un des miens mais je le défends, je l’enveloppe de mon amour immensément grand parce c’est tout ce que j’ai , ce n’est pas du courage, c’est de l’amour, ce n’est pas du pétage de plombs ou des « humeurs », c’est de la colère et un cri de désespoir, ce n’est pas de la force c’est une évidence, il n’y a pas d’autre moyen d’ÊTRE face à ça .
Parfois je n’ai pas ce « courage » alors, j’ai envie de partir seule , de tout plaquer, de les laisser se débrouiller sans moi, de fuir mais là encore, je ne peux pas, même le dire je ne le peux pas, la mère de l’enfant malade NE PEUT PAS dire qu’elle en a sa claque, qu’elle en a plein le cul,  qu’elle veut retrouver une putain de vie sociale, culturelle, amicale, professionnelle parce qu’une mère, ça doit être LA TOUT LE TEMPS et avec un cerveau, une réactivité et une résistance de feu. Quand je pense que ma parentalité me gonflait déjà il y quelques mois et que j’osais m’en plaindre ici. C’est le numéro de la mère qu’on appelle pour les résultats de prise de sang, pour dire quand il faut mettre l’emla ou quand il faudra retourner à l’hôpital pour recommencer la chimio, c’est elle qui arrête de travailler pendant un an, c’est à elle qu’on explique les soins et le régime alimentaire , c’est la place qu’on lui donne sans la consulter parce que c’est une évidence, c’est elle la gardienne du nombre sacré des neutros et globules blancs, le sésame qui ouvre toutes les portes. La charge mentale de la mère d’un enfant malade c’est la charge mentale exposant mille , non que le père en soit exclu mais «  c’est comme ça », lui il ramène le fric, lui il paie les factures, elle , elle éponge le vomi. Et puis, c’est toujours la mère qui est sollicitée, comme si expulser 3kg500 avec episio après 9 mois et 10 jours , 8h de travail et autres joyeusetés c’était juste pas suffisant.

tee-shirt Héroïnes @http://www.julietteponey.com

Si j’avais du courage je prendrai ça avec philosophie : tout est bon, les résultats sont bons, tout est OK, mais on va encore t’envoyer 6 bons gros mois de chimio dans la gueule pour être certains que ça ne reviendra pas ... oui c’est pour son bien c’est pour un mieux, et puis c’est quoi un an dans une vie? Et bien, si j’avais du courage, je t’/ leur expliquerais ce que c’est de priver une gosse de 11 ans d’école, de danse, de théâtre, de louvettes, de sorties ,de bouffe, de liberté, de vie sociale pour qu’elle passe 12h par jour en huis clos avec mère courage sur la mutuelle qui pète légèrement des plombs ou ds journées entières à se faire rincer à coup de Round Up dans les veines mais bon ... je vais pas te plomber ta journée ensoleillée, t’auras plus le courage de me lire après ...

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