lundi 10 mai 2021

le ginkgo

(J'ai retrouvé ce texte un peu niais écrit le 10 mars 21, bizarrement, j'ai éprouvé beaucoup de soulagement en l'écrivant, j'ai envie de le partager)

Il y a quelques semaines, j’ai acheté deux Ginkgos Biloba, mais en pot. L’arbre, fort, majestueux, millénaire, qui résiste à tout, même à Hiroshima, qui n’a jamais de parasites, un symbole puissant mais moi, je n’ai pas de jardin, j’ai juste une terrasse et du coup, j’en ai acheté un d’1m80, que je vais repiquer dans un grannnnd pot et un petit de 50 cm.

Alors, j’ai lu des choses sur des forums où des gens disent « mais enfin, même si vous trouvez cet arbre superbe et majestueux, c’est égoiste de le garder dans un pot sur une terrasse de banlieue, donnez le à quelqu’un qui a un jardin, là il pourra s’y épanouir » et j’avais envie de répondre à cette charmante personne : de quel droit décidez -vous de ce que j’ai le droit de faire pousser sur ma terrasse ? Après avoir réglementé nos sorties, notre vie sociale et culturelle, nos tenues, nos propos, nos libertés, on va aussi se mêler de ce qu’on a le droit de faire pousser ou pas ? Va le dire aussi au débile qui a mis un palmier à Kinkempois… Cet arbre, que je vais donc tenter d’apprivoiser et d’élever du mieux que je le peux, c’est un peu moi, on lui prête des tas de vertus, la force, la résistance (la résilience) mais il est là, planté dans un
  pot, un peu gauche, très maladroit, il ne sera jamais majestueux comme ceux que vous croisez dans les très beaux jardins ou les parcs. Il restera bridé, j’espère qu’il fera le job d’ornementation dans son gros pot. 

En ce surlendemain du 8 mars, c’est un peu comme lui que je me sens, oui. PAs toujours les moyens de ses ambitions. Très humble, trop humble parfois. En colère contre la terre entière, j’ai envie de mener des tas de combats mais je peine à finir une semaine (encore une) de télétravail où je n’en peux vraiment plus de voir ma gueule dans la vignette de mon ordi. J'ai envie de sensibiliser mes étudiants, ma famille à ces combats (intérieurs pour certains) que je mène, aux valeurs que je défend mais je parle toujours à mon mur. Celle que je vois dans la vignette sur Teams, cette fille femme de 41 ans , qui croit qu’elle a encore 27 ans, quand je croise son reflet dans un arrêt de bus ou une vitrine: un peu large de bassin, des cernes marquées, des cheveux abimés par les décoloration, habillée comme une gamine qui ne se tient toujours pas droite et qui ferait bien de jouer le rôle qu'on attend d'elle à son âge: bonne mère de famille aimante et dévouée qui cuisine bio-de-saison-0-déchets-et-surtout-très-bon tous les jours pour une famille qui le lui rend bien en gentillesses, services et écoute, une bonne femme d'intérieur qui gère linge, ménage, aménagement de terrasse comme une pro (parce qu'en vrai, elle est à la maison H24 donc elle n'a que ça à faire), celle d'une bonne prof qui garde la pêche et accepte toutes les débilités qu'on lui impose sans râler, ni soupirer. Un femme de 41 ans qui arrête de s'acheter des baskets et des tee-shirts à messages, qui arrête de se colorer les cheveux et de se les couper elle-même, qui arrête de se faire tatouer, qui ferme sa gueule quand il faut et prépare de goûters le mercredi après-midi au lieu de binge-watcher des séries dans son bureau. Je n'y arrive pourtant pas. 




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