Février 2019, les
familles et les jeunes manifestent pour le climat (et certains ados n’ont pas
trop l’air de comprendre pourquoi ils brandissent une pancarte entre leur McDo
et leur shopping chez Primark, en tout cas ceux interviewés sur RTL) , les gilets
jaunes monopolisent l’actualité et on ne sait pas trop bien si on a envie de
les soutenir avec les amitiés que certains entretiennent avec une certaine
droite populiste.
On entend toujours
les fils et filles de vieilles gloires de la RTBF sponsorisés par cette même
RTBF en boucle sur les chaines nationales et on s’émerveille de leur talent
inné (mais pas de leur empathie, comprenne qui pourra), de leur exhortation à
« boire ton eau dans une gourde plutôt qu’une bouteille en
plastique », pfiou, quel engagement citoyen (faut croire qu’ils n’ont pas
un gosse qui est à sa 10e gourde en 2 ans…)
On sent qu’il faut
que certaines choses changent mais on ne sait pas trop comment ni avec qui…
Février 2019 ,
bientôt 4 mois que notre fille est atteinte de leucémie et dans ce système
fédé-régionalo-communautaire, les deux adultes de 39 ans qui travaillent depuis
17 ans que nous sommes sont bien dans la MERDE. En vrac : notre
fille suit un traitement qui dure 9 à 11 mois et qui nécessite des
allers-retours presque quotidiens entre maison, hôpital de jour et parfois son
protocole de traitement nécessite des hospitalisations de courte durée, sans
compter les imprévus, en gros les nuits où elle a de la fièvre (dès 37°8) ce
qui nécessite un retour immédiat à l’hosto (salle 57 ou le vieil hôpital
roumain pour les intimes) sans passer par le start. Bref, depuis bientôt 4
mois, nous ne passons pas plus de 3 journées consécutives chez nous. Nous
entrons à l’hopital de jour à 8h30 et selon les résultats des prises de sang et
des chimiothérapies qui sont prévues au programme, nous restons 2, 6, 12, 48
heures. C’est une peu comme chez Ikea, tu sais quand tu rentres, tu ne sais pas
quand tu en sors… Pas de date de fin exacte, chaque cas est différent,
spécifique, on vit un jour après l’autre depuis 4 mois. On attend, on exécute,
on fait ce qu’on nous dit, on n’a de prise sur rien.
Alors, on nous
demande si on travaille toujours, parce qu’il ne faudrait quand même pas trop
profiter du système…et bien, comment vous expliquer… passé le choc de la
nouvelle, puis le choc post-traumatique, puis le moment où on te dit :
voilà c’est une leucémie, vous ne rentrez plus chez vous, on commence la chimio
après demain, et bien, non, il difficile de travailler à temps plein dans ces
conditions parce qu’en gros, d’abord, on a envie d’être avec notre fille, parce
qu’on l’aime, et puis on veut aussi être avec son frère qui doit supporter le
choc, et puis aussi, il faut lui faire des soins, l’accompagner à toutes les
étapes plus ou moins douloureuses du traitement, lui raser les cheveux, lui
parler de sa fertilité, lui tendre un carton pour vomir, lui transporter sa
potence pendant la nuit pour ne pas qu’elle l’arrache vu les 3 câbles
électriques qui y sont reliés, la motiver à marcher, lui retendre le carton à
vomir, lui filer ses 25 médicaments à prendre à horaire fixe , la préparer
psychologiquement à se faire mettre une boîte sous la peau, la préparer
psychologiquement à ce qu’on plante 1x / semaine une aiguille dans cette boite,
la faire boire pour éliminer les crasses qui la soignent, lui dire que même si
5 personnes par jour viennent l’ausculter, la piquer, la palper, la triturer,
malgré les opérations, ça reste son corps et son intimité, lui préparer ce
qu’elle aime manger, lui parler de son avenir, filer au magasin dare-dare
parce en fait elle voulait pas manger ça, lui remonter le moral, lui
donner cours parce 2x 50 minutes 2x par semaine c’est quand même pas beaucoup,
lui faire la lecture, lui tenir la main quand elle a peur, lui tenir le masque
quand on lui fait une ponction lombaire, parce qu’on a envie, en tant que
parents d’être avec elle , pas besoin d’explications supplémentaires.
Mais tout ça a un
prix, un sacré prix. Car dans notre beau pays sur-bureaucratisé et totalement
kafkaïen où il te faut 4h pour joindre le gestionnaire de ton dossier à la
mutuelle ou la FWB, il existe un super statut pour les gens dans ton cas, ça
s’appelle « Congé pour porter assistance ou soins à un membre du ménage ou
de la famille gravement malade » et l’Onem te donne 750€ par mois en lieu
et place de ton salaire. Oups… c’est-à-dire en fait qu’on te donne 1/3 de ton
salaire pour continuer à payer ton prêt, ta bagnole, les frais de pharmacie,
les factures d’hopital qui une 3 fois sur 5 arrivent à la maison parce que vous voyez
Madame, dès que vous repassez de l’hospitalisation classique à l’hopital de
jour, il faut refaire une admission et vous devez remplir un nouveau papier à
la mutuelle pour éventuellement être remboursée, mais c'est pas certain même si
vous avez une assurance, parce que c’est de l’ambulatoire c’est pas pareil vous
comprenez, et puis on ne rembourse quand même pas les dafalgans et les
compresses (2 soins différents avec 5 compresses par soin 4 fois par jour, le
compte est bon)? Mais attention, pourquoi vous n’aviez pas coché
« couverture pour maladie grave » quand vous avez souscrit votre
assurance ? Peut-être parce que je n’avais pas « envisagé »
qu’un de mes gosses se tape un cancer à 10 ans connasse ? la
bouffe qui doit être ultra fraîche tous les jours (cuisiné et consommé dans les
2 heures madame), les factures d’eau qui augmentent (parce qu’il faut changer
de vêtements, essuies de bain TOUS LES JOURS), d’ électricité, de chauffage
(oui on chauffe quand on reste à la maison), l'essence (ah oui, les frais de
déplacements vous seront remboursés à 0,25 ct/km hein mais quand ce sera fini, genre dans 9 mois minimum,
puis c'est bien, vous n'habitez pas trop loin)… Bref, tu as étudié 4 ans à
l’unif+ 1an d’AESS+ 1 an de CAPAES, tu travaillais à temps plein avec un salaire
mérité pour les 27 heures de cours semaine que tu donnais et là, paf, on te dit
que si tu veux garder/t'occuper de/soigner ta fille, et bien tu vas vivre
"dans la misère" (oui j'exagère) et peut-être devoir emprunter du fric pour
vivre dignement.
Ce sera tout pour
aujourd’hui, je ne vous parlerai pas cette fois-ci des études débiles qui
pensent avoir trouvé une des causes de la leucémie dans l’hyper-hygiène(bizarre
mais les 10 spécialistes que j’ai rencontrés depuis 4 mois ne sont pas au
courant, mes gosses ont pourtant bouffé du sable à un an et joué dans la terre
depuis qu’ils marchent), ni des distances que j’ai prises avec le zéro déchet
parce qu’il ne fait pas bon ménage avec la leucémie, ni de mon abandon
momentané du bio-de-mes-deux parce à la maison c’est le règne de l’industriel
(recommandé en cas de cancer mais assurément pour t’en développer d’autres), ni
de ma haine pour Marie Kondo, je ne vous parlerai pas non plus de mon statut de
créatrice passé aux oubliettes pour beaucoup/ si t’es plus là il y en a plein
d’autres qui prendront ta place / et puis "c'est pas très légal Madame de créer
si vous êtes sur la Mutuelle" comment vous dire? Passer le temps à la
maison ou à l'hosto entre deux gerbes ou deux visites de l'infirmière et du
médecin en m'occupant les mains c'est pas "tout à fait" pareil
que d'expliquer 7 fois l'accord du participe passé des verbes pronominaux
à des étudiants de 1er Bac Education Physique, vous voyez ce que je veux
dire?
et désolée pour la mise en page pourrie mais en plus
de tout je ne suis pas informaticienne ni graphiste
Mon voisin Totoro, Miyazaki , 1988
Comme je comprends votre désoeuvrement, me suis toujours demandé ce que ces politiques, ces administratifs avaient à la place du coeur et même du cerveau??? Il faudrait n'avoir "QU'A" vous occuper de vos petits, juste leur " bien-être". Courage!
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